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LA REFONTE DU REGLEMENT « BRUXELLES I » : SUPPRESSION DE LA PROCEDURE D’EXEQUATUR EN EUROPE, SIMPLIFICATION ET INTERNATIONALISATION DES REGLES DE COMPETENCE JUDICIAIRE
Mars 2013
Le nouveau Règlement européen du 12 décembre 2012 sur la compétence judiciaire et sur la reconnaissance et l’exécution des décisions civiles et commerciales ou « Bruxelles I bis » atténue les frontières internes et externes à l’Union Européenne en supprimant la procédure d’exequatur en Europe et en étendant certaines règles de compétence judiciaire au-delà de l’Union.
Le Règlement « Bruxelles I », qui a posé les principes du droit international privé européen, sera remplacé à compter du 10 janvier 2015 par un nouveau Règlement d’ores et déjà appelé « Bruxelles I bis ». L’objectif de cette refonte est de faciliter davantage la libre circulation des décisions de justice ainsi que de simplifier les règles en matière de compétence judiciaire.
Suppression de la procédure d’exequatur en Europe
L’apport le plus notable de cette refonte est sans nul doute la suppression de la procédure d’exequatur dans l’Union Européenne.
Le Règlement « Bruxelles I » prévoit que pour qu’une décision rendue dans un Etat membre soit exécutée dans un autre Etat membre, il faut qu’elle soit déclarée exécutoire sur requête de toute partie intéressée ; c’est la procédure d’exéquatur.
Le nouveau Règlement abolit cette procédure et inverse la tendance ; désormais, les décisions rendues dans un Etat membre sont reconnues et exécutoires de plein droit. C’est la personne qui souhaite s’opposer à l’exécution de la décision qui devra demander le refus de sa reconnaissance en soulevant l’un des motifs limitativement énumérés par le Règlement.
Simplification et internationalisation des règles de compétence judiciaire
La refonte simplifie également le système mis en place par le Règlement « Bruxelles I » en étendant certaines de ces dispositions aux delà des frontières de l’Union Européenne.
• En droit de la consommation et du travail
Pour rappel, le Règlement « Bruxelles I » prévoit que, concernant le droit de la consommation et le droit du travail, il existe une option de compétence territoriale au bénéfice du consommateur ou du salarié demandeur.
Cette option de compétence telle que prévue par le Règlement « Bruxelles I » n’existe que lorsque le défendeur (le professionnel ou l’employeur) est domicilié dans un Etat membre. En effet, il existe un principe posé par « Bruxelles I » et repris par le nouveau Règlement selon lequel, lorsque le défendeur n’est pas domicilié dans un Etat membre, le Règlement ne s’applique pas : c’est la loi de l’Etat devant lequel le litige est porté qui déterminera la compétence.
Ainsi, certains consommateurs ou salariés, pourtant européens, ne bénéficient pas de l’option de compétence territoriale offerte par le Règlement lorsque leur cocontractant n’est pas domicilié dans un Etat membre.
Pour mettre fin à cette différence de traitement et renforcer les droits des consommateurs et des salariés, le nouveau Règlement est venu uniformiser les règles de compétence en les rendant applicables aux défendeurs non européens ; désormais, les consommateurs et les salariés bénéficient des options de compétence territoriale offertes par le Règlement, quel que soit le domicile de l’autre partie.
• Concernant les règles de litispendance et de connexité
Dans la même optique de simplification, le nouveau Règlement introduit des règles de litispendance et de connexité internationales.
En effet, le Règlement « Bruxelles I » prévoit uniquement des règles de litispendance et de connexité applicables entre juridictions situées sur le territoire d’un Etat membre.
Le nouveau Règlement prévoit que désormais, la juridiction d’un Etat membre peut sursoir à statuer, voir mettre fin à l’instance, lorsqu’une juridiction d’un Etat tiers a été saisi en premier lieu pour une demande entre les mêmes parties, ayant le même objet et la même cause, ou pour une demande connexe.
• Concernant la clause attributive de juridiction
Enfin, le nouveau Règlement affirme le caractère autonome de la clause attributive de juridiction et reconnaît sa validité sans considération du domicile des parties. Son caractère exclusif est par ailleurs renforcé puisqu’il est prévu que lorsqu’une juridiction d’un État membre à laquelle une clause attributive de juridiction attribue une compétence exclusive est saisie, toute juridiction d’un autre État membre sursoit à statuer jusqu’à ce que la juridiction saisie sur le fondement de la clause déclare qu’elle n’est pas compétente.
En conclusion, nous avons un nouveau Règlement qui s’efforce de simplifier le droit international privé européen avec pour innovation phare l’abolition de la procédure d’exequatur. Cependant, certains commentateurs reprochent un manque de « jusqu’au boutisme » du Règlement par rapport à son projet ; le fait que l’Arbitrage reste en dehors du champ d’application du Règlement est notamment remarqué. En tout état de cause, seule la pratique nous dira si la refonte rempli ses objectifs de simplification ou si l’adoption d’un Règlement « Bruxelles I ter» sera nécessaire.