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La LCEN dix ans après…
La loi sur la confiance dans l’économie numérique dite LCEN cherche encore sa vocation, 10 ans après sa promulgation !
La révolution numérique est pourtant bien enclenchée, elle bouleverse tout le monde du travail sur son passage et met à portée de clic tout l’internet quel qu’en soit le domaine, si le grand public n’en mesure pas toute la portée, les lanceurs d’alarme et les professionnels du droit se préoccupent des atteintes portées aux libertés par la collecte systématique des données et leurs utilisations insidieuses qui menace la vie privée et les droits de la personnalité et dont le National Security Agency NSA américain est l’illustre avatar.
Déjà 30% des ventes se font en France via l’Internet, c’est pour permettre le développement du commerce électronique que dès 2004, une directive européenne sur le commerce électronique a été élaborée, elle a servi de fondement à la loi française qui date aussi de 2004 loi dite LCEN. Le travail législatif préalable à la promulgation de la loi n’a eu que peu d’écho et les juges ont pris du temps pour rendre leurs premières décisions sur ce fondement.
Ce constat fait déplorer une application très timorée de la loi, peu incompatible avec l’évolution technologique, qui elle s’accélère d’année en année, il est désormais question de l’internet 3.0
La LCEN pose dans son article principal, l’article 6 sous-divisée en plusieurs paragraphes, les principales obligations des différents acteurs du numérique.
Le paragraphe 2 de cet article 6, détermine ainsi le rôle de l’hébergeur : les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services. Les hébergeurs ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.
Et l’article 6.3 précise : Les personnes visées au 2 ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible.
Malgré une absence d’obligation de surveillance générale des contenus mis en ligne par les utilisateurs du service, voir l’article 6.7 de la LCEN : « Les personnes mentionnées aux 1 et 2 ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu’elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ». Les hébergeurs engagent leur responsabilité lorsque le caractère illicite d’un contenu est porté à leur connaissance, et s’ils ne réagissent pas promptement pour retirer ou à bloquer l’accès à ce contenu qui porte atteinte aux ayants droits.
L’article 6.5 dispose que :
« La connaissance des faits litigieux est présumée acquise par les personnes désignées au 2 lorsqu’il leur est notifié les éléments suivants :
- la date de la notification ;
- si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;
- les nom et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
- la description des faits litigieux et leur localisation précise ;
- les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;
- la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté. »
Face à l’urgence des violations de droits des ayants droit, le législateur a prévu un huitième paragraphe à l’article 6
« L’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2 ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne. »
La loi est claire et ne prête pas à interprétation, pour la mise en œuvre de la responsabilité des hébergeurs. Cependant l’application faite par les juges est plus que timorée et les juridictions civiles semblent peu enclines à appliquer la loi à la lettre. Les requêtes fondées sur des faits flagrants sont rejetées et seuls, les moyens de défense classique tels que le référé sont appliqués par les juridictions civiles, sous prétexte du respect du contradictoire, privant les ayants droit de moyens de défense efficaces et rapides voulus par le législateur, à savoir le blocage des pages au moyen d’une requête.
La requête parait inapproprié aux juges puisqu’elle permet au demandeur d’obtenir des mesures sans pour autant que la partie adverse soit entendue. Mais le numérique impose des mesures efficaces et rapides qui répondent aux exigences de l’internet pour avoir l’efficacité requise et la confiance des opérateurs du marché. Elle n’a rien d’abusive puisqu’elle est prescrite par la loi ! En effet, face à une contrefaçon servile, le respect des droits du demandeur s’impose par des mesures radicales et efficaces et notamment le blocage des pages contrefaisantes.
L’article 6 de la LCEN a bien prévu des garde-fous et il sanctionne les abus dans son paragraphe 4 : Le fait, pour toute personne, de présenter aux personnes mentionnées au 2 un contenu ou une activité comme étant illicite dans le but d’en obtenir le retrait ou d’en faire cesser la diffusion, alors qu’elle sait cette information inexacte, est puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende.
Dès lors, on comprend mal la position des juges et cette application plus que timorée du texte et cela donne l’impression que le juge veut infantiliser le plaideur … dix ans c’est pourtant plus, que l’âge de raison !