RUBRIQUE : CONTRATS CONTENTIEUX
NOTE COVID-19 ET BAUX COMMERCIAUX A JOUR DES ORDONNANCES DU 25 MARS 2020
Face à la crise actuelle du COVID-19, nous vous présentons la situation actuelle applicable à ce jour en matière de paiement des loyers de baux commerciaux.
La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (1) a été adoptée, promulguée et publiée au Journal Officiel de la République Française n°0072 du 24 mars 2020.
Pour prévenir la paralysie de la vie économique durant l’épidémie, l’article 11 de cette loi autorise le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, d’ici au 25 juin 2020, des mesures destinées à faire face aux conséquences, notamment économiques, financières, administratives et juridictionnelles, de l’épidémie afin de prévenir et limiter la cessation d’activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique (Loi art. 11, I).
25 ordonnances ont été adoptées le 25 mars 2020 et ont été publiées le 26 mars 2020.
- La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19:
Face à la crise actuelle du Covid-19, dans son allocution télévisée du 16 mars 2020, le Président de la République a annoncé que les loyers des (très) petites entreprises, impactées par l’épidémie de Covid-19, « devront être suspendus ».
Une mesure est à ce titre prévue dans le cadre de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (1)
L’article 11 de la loi dispose : « I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi et, le cas échéant, à les étendre et à les adapter aux collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution (…)
- g) Permettant de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des microentreprises, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique, dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie ; »
En application de la loi, l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 a été adoptée.
L’article 1er de l’ordonnance définit les personnes pouvant prétendre à l’application des mesures prescrites : il s’agit des « personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 susvisée.(cf. définition Très Petites Entreprises ci-dessous*) Celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire peuvent également bénéficier de ces dispositions au vu de la communication d’une attestation de l’un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure. »
L’article 4 de cette ordonnance prévoit que : « Les personnes mentionnées à l’article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce. Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée. »
Ainsi, le gouvernement, sans pour autant prévoir les modalités des échelonnements de loyers pouvant être exigés de la part des preneurs, garantit les preneurs contre toute sanction qui pourrait être appliquée (notamment pénalités financières, résiliation des contrats, activation des garanties souscrites) en cas d’impayés de loyers et charges entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de 2 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Dans son avis du 18 mars 2020 concernant le projet de loi, le Conseil d’Etat avait préalablement validé la mesure envisagée en estimant que « l’intérêt général qui s’attache à la prévention de la défaillance d’entreprises causée par la crise sanitaire actuelle est susceptible de justifier une atteinte aux contrats en cours ».
L’arrêté du 15 mars 2020 complétant l’arrêté du 14 mars 2020, publié le 16 mars 2020 (JORF n°0065) portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 dispose « Considérant que l’observation des règles de distance étant particulièrement difficile au sein de certains établissements recevant du public, il y a lieu de fermer ceux qui ne sont pas indispensables à la vie de la Nation tels que les cinémas, bars ou discothèques ; qu’il en va de même des commerces à l’exception de ceux présentant un caractère indispensable comme les commerces alimentaires, pharmacies, banques, stations-services ou de distribution de la presse » mais également en son article 1.- I. – « Afin de ralentir la propagation du virus covid-19, les établissements relevant des catégories mentionnées à l’article GN1 de l’arrêté du 25 juin 1980 susvisé figurant ci-après ne peuvent plus accueillir du public jusqu’au 15 avril 2020 :;
(…)« – au titre de la catégorie M : Magasins de vente et Centres commerciaux, sauf pour leurs activités de livraison et de retraits de commandes ».
Par conséquent, tous les établissements recevant du public, ne présentant pas un caractère indispensable et ne figurant pas sur la liste exhaustive des établissements pouvant rester ouverts sont donc soumis à fermeture depuis le 16 mars dernier.
Particulièrement, concernant les commerces situés dans les centres commerciaux, dès le 16 mars 2020, une organisation professionnelle du secteur, le Conseil National des Centres Commerciaux (CNCC), a recommandé à ses adhérents (bailleurs) de prendre, à titre exceptionnel, les mesures suivantes :
– mensualisation des loyers et charges facturés au titre du deuxième trimestre ;
– suspension temporaire de la mise en recouvrement des loyers et charges du mois d’avril, dans l‘attente des décisions qui seront prises par le gouvernement d’ici au 15 avril 2020.
Dans un communiqué du 19 mars 2020, le CNCC vient de confirmer que « les opérateurs de centres commerciaux mettent actuellement en œuvre la mensualisation des loyers et charges du second semestre 2020 pour soutenir la trésorerie des enseignes. Ils ont également activé la suspension de la mise en recouvrement des loyers et des charges du mois d’avril, en particulier et en priorité au bénéfice des plus petites entreprises, dans l’attente des décisions qui seront prises par le Gouvernement après le 15 avril ».
De son côté, l’Union sociale pour l’habitat (USH), qui regroupe 660 opérateurs Hlm à travers ses fédérations, a émis la recommandation suivante concernant les (nombreux) locaux commerciaux de proximité, situés en pieds d’immeubles, loués par les organismes Hlm. Les organismes « pourront, selon la situation des commerçants locataires, suspendre le paiement des loyers des commerçants qui sont contraints de fermer conformément aux mesures gouvernementales » (USH, communiqué du 15.03.2020).
Au-delà de ces recommandations, le Ministère de l’économie et des finances a invité les entreprises concernées (locataires) à se rapprocher de leurs bailleurs pour effectuer s’il y a lieu des demandes de report à l’amiable du paiement des loyers.
3 remarques sur ces mesures adoptées :
- Elles ne concernent que les « très petites » entreprises au sens du Décret 2008-1354 du 18-12-2008 art. 3 : (*) il s’agit des entreprises qui emploient moins de 10 salariés et ont un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan n’excédant pas 2 millions d’euros ainsi que les entreprises placées sous sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire sous condition de production d’une attestation de l’un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure,
- Elles ne concernent les très petites entreprises «dont l’activité est affectée par l’épidémie » : les TPE devront établir qu’elles sont touchées notamment soit par la fermeture administrative de leur commerce, soit par les graves difficultés financières qu’elles subissent du fait de la crise du Covid-19,
- Les modalités de report des loyers et charges ne sont pas encadrées par le gouvernement qui prévoit uniquement qu’aucune sanction de quelque sorte que ce soit ne pourra pas être appliquée en raison d’un impayé des loyers dus pour la période courant du 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de 2 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
- Le droit applicable relatif à la force majeure, à l’exception d’inexécution et à l’imprévision :
- La force majeure – article 1218 du code civil
Aux mesures gouvernementales s’ajoute le droit applicable relatif à la force majeure.
L’article 1218 du code civil dispose que : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »
Ainsi, à notre sens, le locataire peut invoquer la force majeure pour suspendre l’exécution de son obligation si les mesures de fermetures administratives ont conduit à une fermeture de son local commercial exploité dans les locaux loués : en ce cas, le bailleur ne peut plus remplir son obligation de délivrance des locaux loués et le preneur de son côté, ne peut plus remplir son obligation d’occupation des locaux loués.
A noter toutefois que les dispositions de l’article 1218 du code civil ne sont pas d’ordre public : les parties étant libres d’y déroger. Par conséquent, il convient de vérifier au sein du bail commercial qu’il n’existe pas une clause faisant échec ou restreignant l’application de l’article 1218 du code civil.
4 remarques sur l’article 1218 du code civil :
- Les dispositions de l’article 1218 du code civil peuvent être invoquées par toutes les entreprises sans restriction de taille,
- Seules les entreprises faisant l’objet de mesures de fermetures administratives peuvent l’invoquer,
- Il convient de vérifier préalablement à la mise en jeu de l’article 1218 du code civil qu’il n’existe au sein du bail commercial, aucune clause dérogatoire faisant échec ou restreignant l’application de l’article 1218 du code civil,
- Les dispositions de l’article 1218 du code civil conduisent à une interruption des loyers : les loyers non payés pendant la toute la durée de la suspension du contrat pour force majeure n’auront pas à être payés.
- L’exception d’inexécution – article 1219 du code civil
L’article 1219 du Code civil dispose que :
« Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. »
L’article 1220 du Code civil précise :
« Une partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais. ».
Ainsi, une partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors l’autre partie n’exécute pas ou n’exécutera manifestement pas à l’échéance son obligation et que les conséquences de cette inexécution sont/seront suffisamment graves.
Dans la situation actuelle, ces dispositions peuvent être invoquées si le local est visé par les mesures de fermetures administratives précitées. En ce cas, le preneur peut invoquer la suspension de son obligation de paiement des loyers en raison du défaut d’exécution par le bailleur de son obligation de délivrance des locaux loués.
La question se pose alors de la façon dont pourra être notifiée la mise en jeu de cette exception d’inexécution. En pratique, cette notification est effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception mais les services de la poste ont actuellement réduit leurs services.
- La révision pour imprévision – article 1195 du code civil
L’article 1195 du Code civil dispose que :
« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe. »
Cet article vous permet aux cocontractants de renégocier les conditions contractuelles.
Néanmoins, pendant toute la durée de ces négociations, les parties sont tenues d’exécuter l’ensemble de leurs obligations : le preneur ne peut donc pas suspendre le paiement des loyers et charges.
A défaut d’accord les parties peuvent, soit convenir d’un commun accord de la poursuite du contrat aux mêmes conditions, soit d’un commun accord de la résolution du contrat, soit saisir le juge pour qu’il procède à son adaptation ou prononce sa résolution.
3 remarques sur l’articulation de ces trois articles 1218/1219 et 1195 du code civil:
- Les dispositions des trois articles ne peuvent pas être invoquées de façon cumulative,
- Le preneur aura tendance à privilégier l’application de l’article 1218 du code civil relatif à la force majeure et subsidiairement, si une clause de son bail faisait échec à l’application de cet article, à l’exception d’inexécution qu’il prendra le soin de notifier à son bailleur,
- Compte tenu du fait que la révision pour imprévision nécessite l’exécution des obligations par chacun des cocontractants, cette disposition sera invoquée en dernier ressort par le preneur.
En conclusion:
1/ Sauf cas de force majeure (visé au 3/ ci-dessous), le bailleur est en droit de refuser la suspension ou le report du paiement des loyers demandé par son locataire dans le cadre de baux commerciaux,
2/ Pour autant, le bailleur sera surement amené à négocier des reports de loyers ou échelonnement pour son locataire susceptible d’être qualifié de « très petites entreprises » (moins de 10 salariés et chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan <2M€.) ou pour son locataire placé sous sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire dans la mesure où aucune sanction ne pourra être appliquée à tout défaut de paiement de loyer ou charges dus pour la période courant du 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de 2 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, 3/ le bailleur devra se soumettre aux notifications de suspension du paiement des loyers fondés sur les dispositions de l’article 1218 du code civil qui seraient présentées par son locataire dont le commerce a fait l’objet d’une fermeture administrative. A défaut de pouvoir faire état de la force majeure, l’usage des articles 1219 ou 1195 du code civil est à envisager. Si vous êtes locataire et placé dans cette situation, notre cabinet se tient à votre disposition pour vous communiquer un courrier type pouvant être adressé à votre bailleur. 4/ en tout état de cause, dans tous les différents cas précités, bailleur et locataire sont libres de convenir de tout accord transactionnel notamment d’échelonnement des loyers, d’allègement temporaire. Nous nous tenons à votre disposition pour tout renseignement ou explication complémentaire, [/av_textblock] [av_hr class='default' height='50' shadow='no-shadow' position='center' custom_border='av-border-thin' custom_width='50px' custom_border_color='' custom_margin_top='30px' custom_margin_bottom='30px' icon_select='yes' custom_icon_color='' icon='ue808' av-desktop-hide='' av-medium-hide='' av-small-hide='' av-mini-hide='' av_uid='av-46gp6l'] [av_magazine link='category,8' items='10' offset='0' tabs='aviaTBtabs' heading_active='aviaTBheading_active' heading='Dans la même rubrique ' heading_link='manually,http://' heading_color='theme-color' heading_custom_color='#ffffff' first_big_pos='top' admin_preview_bg='' av_uid='av-2jx59p']